1. Vous devez d’abord harceler gentiment votre famille et vos amis
québécois afin qu’ils vous envoient des livres dans le fin fond de votre
village de brousse haïtienne. Comme le système de
poste haïtien n’est pas particulièrement reconnu pour sa fiabilité, vous dites
à vos amis de poster leurs livres chez le directeur de l’organisme qui finance
votre école, en Floride. Celui-ci doit alors consentir à transporter tout ce bagay lors de son prochain voyage en
Haïti.
2. Comme vos amis qui ont gentiment accepté de garnir les rayons de
votre bibliothèque ont eu de la difficulté à trouver des livres en créole au
Québec, vous devez trouver une façon de vous en
procurer pour que les enfants aient aussi de quoi lire dans leur langue
maternelle. Rien de plus facile : ouvrez les armoires dans le bureau du
directeur et trouvez-y justement plus de 200 livres qui ramassent la poussière
pendant qu’on se plaint partout du manque de ressources. Dépoussiérez les
livres et ajoutez-les à votre collection.
3. Transformez votre chambre en entrepôt et étalez les livres partout
où il y a de la place : dans le garde-robe, sur les lits, sur le plancher,
sur votre valise, sur le chat. Passez votre fin de semaine à élaborer un
système de classement et à numéroter chacun des livres pendant que les enfants
du voisinage gambadent dans la pièce en bobettes.
Restez concentré.
4. Trouvez vos matériaux de construction. Fabriquez des étagères à
l’aide de vieilles briques de ciment qui traînent dans la cour d’école (prenez
soin de vérifier qu’aucune charmante bestiole velue ne s’y trouve) et de
planches que vous aurez extirpées du débarras à vos risques et périls dans une
version grandeur nature de Tétris.
5. Lavez les planches au puits. Installez-les sur les briques et
solidifiez le tout avec de vieilles ardoises.
6. Rangez les livres sur les tablettes selon votre ingénieux système de
classement, indiquez le titre de chacune de vos sections et affichez les règlements
en français epi nan kreyol.
7. Utilisez vos livres pour des activités pédagogiques avec les élèves.
Par exemple : pourquoi ne pas raconter l’histoire Bout ke Lilit dans votre meilleur créole aux enfants de première
année ? Bout ke, ça veut dire bout
de queue. C’est l’histoire de Lilit,
un dinosaure jaloux de son ami qui a une plus grosse queue que la sienne.
Catherine se demandait quelle était la signification de Lilit. On a cherché dans le magnifique dictionnaire
français-haïtien qu’on a acheté à Port-au-Prince grâce à la générosité de nos
amis, qui ont aussi envoyé des sous. Ça veut dire petit pénis. On a changé
d’histoire.
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