lundi 29 septembre 2014

Le charme des après-midis sans fin

Timoun: ça signifie enfant en créole et c’est bien parti pour être mon mot préféré. C’est ça qui est fantastique avec cette langue: les mots sonnent exactement comme ce qu’ils désignent. Yo, c’est la marque du pluriel et Ayiti, vous êtes assez futés pour deviner vous-mêmes. J’ai choisi de nommer mon blogue ainsi parce que les enfants sont la raison de ma présence ici et ils emplissent déjà si joyeusement mes journées que j’ai envie de les partager avec vous.

Mais pas si vite, revenons un peu en arrière, revenons à cette balade en Jeep entre Port-au-Prince et Lhomond, revenons à Radio Caraïbes qui diffuse des remixs créoles de Blurred Lines pendant que j’essaie d’accorder mon état d’esprit au titre de son émission, Zéro Stress, alors que les motos et les autobus zigzaguent en tous les sens devant nous. Après cinq minutes j’étais déjà amoureuse du pays, des couleurs et des odeurs qui explosent partout, du moindre centimètre carré de chaque tap-tap minutieusement recouvert de dessins, de prières et de slogans évocateurs comme Sans rancune ou Trust me. Les fenêtres ouvertes, la route nationale, la musique et la mer, la pause-repas au bord de l’eau chez des amis de notre guide, là où la Prestige coule à flots et où le poisson grillé sur le barbecue est généreusement saupoudré de piment, et surtout, une pensée pour Dany en traversant Petit-Goâve.

Après deux heures on quitte le bel asphalte de la Nationale pour la route de terre remplie de crevasses qui mène au minuscule village de Lhomond, où je passerai les trois prochains mois. On habite chez Papy Lucien et sa fille Denise, que l’on exaspère 20 fois par jour parce qu’on ne met pas de sucre dans notre thé ou qu’on ne frotte pas bien le linge, c’est selon. Si les Américains avaient fait un film de notre première journée à Lhomond, le titre serait sans conteste The never ending breakfast: ça a commencé avec du thé à la citronnelle, puis des oranges, puis du kassave (sorte de pain plat au manioc) recouvert de beurre d’arachide au piment (oh oui le piment est partout, même là où vous ne l’attendiez plus), puis de la noix de coco, puis du mahimoulé, sorte de galette composée de farine de maïs et d’épices, puis recouverte d’avocats. Ouf.


Il y a les montagnes, le soleil, la végétation touffue, l’odeur de sucre un peu brûlé, et les gens qui vous saluent d’un gentil bonsoir dès qu’il est passé midi. Il y a le créole qui résonne joyeusement d’un bout à l’autre de la grande rue, les chèvres qui broutent un peu partout et les poulets qui viennent nous saluer dans la cuisine. Et il y a les enfants, surtout les enfants, qui m’ont conquise en moins de trois secondes et qui m’ont auscultée de longues minutes en palpant mes doigts comme la sorcière dans Hansel et Gretel. Si vous cherchez le bonheur, sachez qu’il se cache à Lhomond sous les traits d’une petite fille en robe jaunes, des rubans flottant dans ses cheveux. 

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