mardi 28 octobre 2014

Nos amis les animaux


1. INT. NUIT. CHAMBRE

Catherine lit, étendue sur son lit. On entend les voix d’Amandine, Denise et Mithoi qui discutent sur la galerie. Un cri d’effroi retentit dans le calme du soir, en provenance de la salle de bains.

2. EXT. NUIT. GALERIE

DENISE
Qu’est-ce qu’il y a?

Pour toute réponse, un deuxième cri jaillit de la salle de bains.

DENISE
Qu’est-ce qu’il y a?

Denise se précipite vers la salle de bains, Amandine et Mithoi sur les talons.

3. INT. NUIT. CORRIDOR

La porte de la salle de bains s’ouvre à la volée.

JULIANA
Un crapaud!

Denise et Amandine crient. Bousculade dans le cadre de porte. 

Toutes trois armées de lampes de poche, les filles patrouillent la salle de bains pour trouver le crapaud, qui apparaît et disparaît à sa guise, provoquant de nouveaux cris à chaque apparition.

4. INT. NUIT. CHAMBRE

Catherine, imperturbable, lit toujours sur son lit. On entend les cris en provenance de la salle de bains. Tout à coup, un bruit sourd.

5. INT. NUIT. CORRIDOR

Mithoi marche vers la porte d’entrée, tenant le crapaud par une patte. Il sort.

6. INT. NUIT. SALLE DE BAINS

Juliana prend sa douche. Un cri perçant lui parvient en provenance de la chambre.

JULIANA
Quoi? (Pause) Quoi??

Un second hurlement retentit.

7. INT. NUIT. CORRIDOR

Denise se précipite vers la chambre. Catherine en sort en trombe.

CATHERINE
My God!! Une éééénorme araignée!

8. INT. NUIT. SALLE DE BAINS

Juliana, sous la douche, tend l’oreille.

JULIANA
Qu’est-ce qu’il y a?

CATHERINE, voix hors champ
Une tarentule je pense!

Juliana crie.

9. INT. NUIT. CHAMBRE

Catherine, appuyée au cadre de porte, pointe le garde-robe. Denise s’approche du garde-robe, une sandale à la main. L’araignée passe en vitesse sur le mur. Denise tente de l’écraser avec sa sandale, sans succès. Catherine crie. Denise frappe avec acharnement. Elle parvient finalement à tuer l’araignée.

Une grosse trace brunâtre orne le mur. Catherine s’avance dans la chambre et tend une feuille de papier à Denise. Denise ramasse le cadavre de l’araignée et sort.

Catherine se recroqueville sur son lit. Juliana entre, les cheveux enveloppés dans une serviette.

CATHERINE, penaude
Sérieux, était vraiment grosse.

DENISE, revenant
Grosse, vraiment?

Catherine mime une grosse araignée avec ses mains.

JULIANA
Je veux même pas le savoir.

Denise rit et se moque en créole.

***


Si Haïti est un pays dangereux? Bien sûr: prenez garde à la nuit tombée, les vilains crapauds et les sournoises araignées vous guettent.

jeudi 23 octobre 2014

Tourisssse

Ça commence de la même façon que d’habitude: moto jusqu’à Miragoâne, puis minivan. Mais au lieu de descendre à Port-au-Prince, on s’arrête plus tôt, au carrefour Dufort, là où la route de Jacmel rejoint la nationale 2. Après une vingtaine de minutes à regarder les Éconoline pleines nous passer sous le nez, on change de stratégie: allons-y pour un voyage à l’haïtienne. C’est donc (in)confortablement installées au sommet d’un énorme camion rempli de cannes à sucre que nous avons poursuivi notre chemin vers la côte sud du pays. Bon d’accord, je ne recommande à personne de se fabriquer un fauteuil en canne à sucre, mais pour la vue sur les montagnes et le petit vent frais, c’était la première classe.

Jacmel, c’est une jolie ville aux vieilles maisons coloniales, aux plages invitantes et à la communauté artistique vibrante. C’est aussi le point de départ pour se rendre aux Bassins bleus, une série de cascades se déversant dans trois bassins à l’eau turquoise. On s’y est rendues sur des motos conduites par des adolescents manifestement pressés, et je me suis sentie vieille quand je leur ai demandé de ralentir.

Jacmel, c’est aussi de fort belles rencontres: un médecin guinéen travaillant pour la Croix-Rouge, un cycliste anglais en crise existentielle, lancé dans une version haïtienne du périple d’Into the wild, une Française plus créole que les Haïtiens à la tête d’un charmant petit hôtel.

Au retour, on a laissé tombé le camion de canne à sucre pour le chauffeur de la Croix-Rouge, qui devait nous laisser sur la route nationale 2 avant de bifurquer vers Port-au-Prince. Bon, bon, je vous entends déjà: le voyage dans la ouate, elle est douillette au fond. Pas tant que ça: on a eu une crevaison tout juste à la sortie de Jacmel. Avez-vous déjà changé un pneu sous le chaud soleil haïtien?


Mais ce qu’il faut surtout retenir de ce périple, c’est qu’il y a du nouveau dans le palmarès des meilleurs noms d’églises et de tap-taps. Du côté des églises, Dieu en Christ a été détrôné par… Tabernacle de l’amour du Christ (à ne pas confondre avec Tabarnak pour l’amour du criss). Quant aux taps-taps, le nouveau champion est maintenant… Merci calvaire. La compétition se poursuit.

mercredi 15 octobre 2014

La balade à Port-au-Prince

Il faut d’abord se rendre à Miragoâne, vingt minutes de moto sur la route rocailleuse de Lhomond. Il y a le chauffeur, ma collègue, moi et nos sacs à dos, ça fait beaucoup pour une si petite monture. Évidemment, je suis reléguée à l’arrière, ce qui signifie qu’il n’y a même plus de banquette sous mes fesses, dans lesquelles s’impriment chaque crevasse et chaque bosse du chemin.

À Miragoâne, on monte à bord d’une Éconoline bien remplie et on file à vive allure vers la capitale en se frayant un chemin entre les camions, les autobus, les motos, les chèvres et les vendeurs de bouteille d’eau. Comme il n’y a pas de feux de circulation, je ne peux pas frapper le plafond quand on passe sur une jaune, alors on invente une version haïtienne du jeu: on frappe plutôt le plafond à toutes les fois où on se retrouve trois véhicules de large sur cette route qui comprend pourtant seulement deux voies. Ça arrive quand même souvent.

Pour se distraire sur la route, on collectionne aussi les meilleurs slogans de tap-taps ou les noms d’églises les plus savoureux. Toujours invaincus à ce jour: l’église Dieu en Christ et le tap-tap La foi en Christ.

C’est comment, Port-au-Prince? Chaotique, pas propre propre, mais ça grouille de vie. De jolis coins ici et là, vieilles bâtisses coloniales que l’on retrouve encore un peu partout, des cours intérieures par-ci par-là, oasis de tranquillité dans ce feu roulant de véhicules à deux ou quatre roues. Une ville qui panse encore ses plaies sismiques, mais dont les habitants semblent décidés à continuer pareil, inventifs, battants et débrouillards.

Parmi les rescapés du séisme, le Musée d’art haïtien, toujours debout mais pas encore remis. Seule la petite salle demeure fonctionnelle, la grande étant toujours en réparation. Le préposé nous y a gentiment conduites quand même: une grande pièce vide, aux murs lézardés, des débris s’accumulant dans les coins. Bien sûr, comme vous tous, j’ai vu toutes les images terribles du tremblement de terre à la télé, j’ai compté les morts et les blessés, j’ai vu de mes yeux vu les marques que portent encore la ville, je sais qu’il y a des choses infiniment plus tristes qu’une salle vide dans un musée, mais en entendant mes pas résonner tristement sur le carrelage de cette pièce dépouillée de ses trésors, j’ai eu envie de pleurer. J’ai fait un don pour la restauration du musée. J’aurais peut-être dû donner à la Croix-Rouge. Mais comme l’a si bien dit Nietzsche:

Nous avons l’art afin de ne pas périr de la vérité.


Le soir, un contact haïtien nous a fait visiter le chic Pétionville et amenées manger dans le restaurant le plus réputé de la ville. C’était magnifique et délicieux, bien sûr, mais en pensant à mes timoun de Lhomond, qui parfois n’ont pas grand chose dans le ventre quand ils arrivent à l’école, ça m’a un peu coupé l’appétit. En entrant dans l’énorme supermarché de Pétons ville, j’ai pensé à la viande de chèvre qui cuit sous le soleil au marché de Lhomond, et je me suis imaginé ma Denise faire une crise de coeur devant ces rangées débordant de produits qu’elle n’avait probablement jamais vus, foie gras de canard et Veuve Cliquot s’il-vous-plaît. C’était rempli de Blancs, vous savez ces travailleurs d’ONG dévoués à la cause qui ne sortent pas beaucoup du quartier, je ne sais pas s’ils sont au courant que la plupart des villages de campagne n’ont ni électricité, ni eau courante. J’étais heureuse de rentrer à Lhomond, mon Ayiti chérie, et de savoir que je vis dans le véritable pays.

mardi 7 octobre 2014

Moi je mange (et des fois non)

Bien sûr, il y a du piment, beaucoup de piment. Mais ce n’est jamais trop piquant, toujours juste assez relevé pour être délicieux: Denise est une cuisinière redoutable. Redoutable dans le sens de talentueuse, mais aussi dans le sens de si tu ne reprends pas trois fois de chaque plat, tu disparaîtras sous la table devant son regard menaçant comme une tempête tropicale.

Il y a aussi de l’avocat, des tonnes d’avocats, et si je voulais vraiment vous emmerder, je vous dirais qu’un avocat coûte six sous au marché de Lhomond, mais bon, je ne voudrais pas vous fâcher. Il y a les jus fraîchement pressés, tous les jours, se demander rêveusement de quoi on a envie aujourd’hui: orange, mangue, melon? Mon préféré, c’est le chadèk, qui je crois est le résultat d’une histoire d’amour entre un pamplemousse et une orange.

Il y a du riz et des haricots noirs, parfois du poisson, ou le poulet à qui Denise règle son compte derrière la maison. Il y a le bouilli de légumes et les frites délicieuses que l’on rêve de marier à du fromage en grains: si le Québec et Haïti se rencontraient pour vrai, on arriverait sûrement à créer la poutine parfaite. 

Le repas du midi est toujours gargantuesque, mais pour le reste, vous devez savoir que ce que l’on considère comme un souper se prend plutôt ici le matin et que l’équivalent de notre déjeuner, lui, est servi le soir. Ne soyez pas donc pas surpris si une généreuse assiette de pâtes aux tomates vous attend sur la table au petit matin. Si vous mourrez d’envie de votre toast au beurre de peanuts, il vous faudra attendre au soir. Ça, c’est si l’envie ne prend pas à Denise de vous cuisiner le milkshake le plus incongru de l’histoire des laits frappés: spaghetti, sucre, lait de soya et lait condensé. (Non, non, elle n’est pas enceinte.)

Pour les urgences, on garde toujours un paquet de biscuits Oréo dans notre chambre, mais on peut aussi satisfaire notre dent sucrée à l’haïtienne: en suçant une canne à sucre. Je ne le recommande pas, toutefois, pour les soupers en tête à tête: que diriez-vous de contempler votre tendre moitié croquer dans un bâton comme un castor, mâchonner durant de longues secondes en faisant un bruit de succion et recracher le tout avec toute la grâce du monde dans son assiette?

Pour acheter toutes ces provisions, le mercredi, de bon matin, on se rend au marché avec Ènise, la cousine de Denise (les plus perspicaces d’entre vous remarqueront un certain goût familial pour les prénoms en ise) à qui l’on apprend à chanter Dondaine sous le chaud soleil haïtien. On passe plus d’une heure à la regarder négocier comme un ambassadeur américain, puis on charge les victuailles dans nos sacs en espérant que le steak de chèvre ne coule pas trop. Pas loin du stationnement local (prenez garde ne pas garer votre âne en double), on engage deux jeunes à peine pubères pour nous ramener: nous, la viande de chèvre encore parsemée de quelques poils et la poche de riz.


Et même si tout ou presque est délicieux (je ne voudrais pas avoir l’air de viser le lait frappé au spaghetti), des fois, quelques soucis gastriques m’empêchent de faire honneur à la cuisine de Denise, qui tente malgré tout de me forcer à manger. Heureusement, dans ces durs moments, on trouve toujours un peu de réconfort. Si vous vomissez un jour dehors au fin fond de la brousse haïtienne, dans la fragile lueur de l’aube, et que soudain parvient à vos oreilles la musique grésillante d’une radio qui diffuse au loin S’il suffisait d’aimer, vous ne pourrez vous empêcher de sourire, je le jure.

vendredi 3 octobre 2014

Projet de bibliothèque

Ma collègue et moi rêvons de mettre sur pied une bibliothèque dans l'école et nous avons déjà entamé des démarches avec Bibliothèques sans frontières.

J'ai moi-même apporté beaucoup de livres (mes excuses aux employés des aéroports qui ont transporté ma valise), mais je souhaite aujourd'hui débuter une grande cueillette de livres. Alors je fais appel à vous! De toutes façons, comme l'a si bien dit Bolduc, nous avons trop de livres au Québec :) Bref, si vous avez des livres dont vous souhaitez vous départir ou si l'envie vous prend d'aller bouquiner dans les friperies et les boutiques de livres usagés, ce serait hyper apprécié. Nous cherchons:

-Des livres pour enfants de 3 à 12 ans
-Des livres avec un maximum d'images puisque le français est une langue seconde
-Des livres en créole! Si jamais vous en trouvez
-Des dictionnaires, illustrés de préférence

Pas besoin d'être neufs, juste propres et en bon état. Il vous faut ensuite envoyer le tout par la poste au directeur de l'organisme qui finance notre école:

Gerry Delaquis
1432 Mediterranean Drive
Punta Gorda, FL 33950
Il se chargera de nous apporter le tout lors de sa prochaine visite en Haïti. Il doit absolument recevoir les livres avant le 20 octobre. Je sais, c'est rapide, mais c'est comme ça! Je suis aussi en démarche avec Air Transat pour obtenir un support logistique pour le transport des livres, mais comme ce n'est pas confirmé, la méthode la plus sûre pour l'instant est de passer par Gerry, car le système de poste haïtien n'est pas 100% fiable.

Merci de partager sur les réseaux sociaux, à votre famille et à vos amis.

Parmi ce qui me tient le plus à coeur pour mon séjour ici, il y a de transmettre l'amour de la lecture. Merci de votre contribution! De tout coeur.